Depuis une semaine, je me trouve au nord du nord, à Longyearbyen, principale ville de l'archipel du Svalbard, située à 78°13'N. Le Svalbard est un territoire administré par la Norvège, grand comme une fois et demie le Danemark et se trouvant au beau milieu de l'Océan Glacial Arctique, à environ 1000 km au nord de la Norvège [carte].
Je suis ici pour un peu moins de cinq mois, afin de suivre des cours de géophysique arctique à UNIS, le centre universitaire du Svalbard. En effet, il me faut valider une quarantaine de crédits ECTS dans le cadre de ma thèse, et prendre des cours à l'université d'Oulu ne serait guère pratique pour moi qui me trouve à Sodankylä (cinq heures de route en hiver, aller simple) et reviendrait très cher. Aussi, l'idée de passer un semestre ici, qui m'enthousiasmait particulièrement, permettra de remplir ces conditions plus facilement, d'autant plus que les cours proposés dans mon domaine sont très poussés et me seront certainement d'une grande utilité dans le cadre de ma recherche.
Svalbard en janvier, c'est la nuit polaire, la vraie. Arrivé le 9 par temps couvert, j'étais totalement incapable de noter la différence entre midi et minuit. Ces derniers jours, avec un ciel clair, on peut noter une légère lueur bleutée à l'horizon sud à la mi-journée.
La première semaine a été entièrement consacrée à une formation à la survie en milieu arctique. Il faut dire que le milieu est pour le moins hostile ; entre les risques d'avalanches, les crevasses invisibles dans les glaciers, la glace d'eau de mer fragile par endroits, les ours polaires et les morses, les dangers sont nombreux. Tous les ans, on déplore des accidents, régulièrement mortels, y compris impliquant des habitués des conditions arctiques. Les moyens de communication sont limités hors de la ville (téléphone satellitaire, balise de détresse) et les secours peuvent ainsi mettre plusieurs heures avant d'arriver sur les lieux d'un accident, par hélicoptère.
C'est pourquoi tous les étudiants d'UNIS sont tenus de suivre cet entraînement comportant une grande part de pratique, autour des thématiques suivantes :
- gestion d'une rencontre avec un ours polaire, incluant une formation de tir à la carabine pour les situations extrêmes ;
- télécommunication et navigation ;
- construction d'un campement d'urgence ;
- identification des zones présentant des risques d'avalanches, incluant recherche et sauvetage de victimes ;
- détermination de la solidité de la glace de mer, sauvetage de victimes tombées à travers la glace et exercice de remontée sur la glace par ses propres moyens (on est tous passés par là) ;
- formation aux premiers secours dans des conditions de froid extrême ;
- identification des zones à risques sur un glacier, ainsi que sauvetage d'une victime tombée dans une crevasse.
Hier, apothéose, nous avons passé la journée sur un glacier en bordure de la ville (Longyearbreen) pour des exercices complémentaires en conditions plus réalistes encore : creusage d'un abri d'urgence dans la neige et improvisation de brancards pour transporter un blessé, extraction d'une victime d'une crevasse d'une dizaine de mètres de profondeur, gestion d'une scène d'accident de motoneige et premiers secours, construction d'un campement d'urgence et recherche de victimes dans une avalanche. Pour conclure cette session pratique (six heures par -18°C quand même !), nous avons assisté à une démonstration de sauvetage et évacuation par un hélicoptère Super Puma opéré par les représentants du Sysselmann, le gouverneur du Svalbard. Des photos prises par l'un des instructeurs, Stefan Claes, sont disponibles ici.
À l'issue de cette intense journée concluant cette semaine au rythme non moins soutenu, nous avons passé l'examen écrit visant à valider l'acquisition de ces connaissances et compétences. Cet entraînement a été particulièrement bien encadré et extrêmement formateur, annonçant un semestre très riche en découvertes et en émotions.