Après avoir découvert les alentours de San Cristóbal de las Casas, nous sommes allés dans la région de Palenque, beaucoup moins touristique car se trouvant dans la jungle. La plupart des excursions proposées pour visiter le site maya de Palenque partent en effet de San Cristóbal tôt le matin et y rentrent le soir même. Cependant, un certain nombre de touristes choisissent de ne pas prendre le minibus retour et de rester dormir sur Palenque, afin de pouvoir visiter les sites de Yaxchilán et Bonampak le lendemain. Je recommande vivement cette option, qui permet par ailleurs d'économiser un trajet de bus San Cristóbal – Palenque, car ces deux sites ainsi que la découverte de la jungle valent vraiment le détour. De toute façon, à moins de louer une voiture sur place, il est pratiquement impossible de se passer des agences de voyage au Chiapas (et, la plupart du temps, les formules proposées reviennent moins cher que la débrouille par ses propres moyens...).
Agua Azul et Misol-Ha
Sur la route entre San Cristóbal de las Casas et Palenque se trouvent deux sites naturels plutôt impressionnants. Celui d'Agua Azul est un complexe de rapides et de cascades particulièrement remarquable, dont on peut profiter pour se rafraîchir dans une eau claire et relativement tiède. Étant donné que la quasi totalité des agences de voyages incluent une étape d'une bonne heure et demie à Agua Azul dans leurs formules, on y trouve de nombreux étalages d'artisanat local, en particulier de bijoux fabriqués à partir d'ambre. Le Chiapas est en effet l'une des régions les plus riches en ambre, avec des gisements d'ambre rouge pratiquement uniques au monde.
Un peu plus loin sur la route de Palenque, Misol-Ha ("chute d'eau" dans la langue maya ch'ol) est également une étape desservie par les agences de voyage, quoique plus brièvement. Derrière la cascade se trouve une grotte à laquelle on peut accéder moyennant une bonne douche.
Palenque
Si la ville de Palenque en elle-même présente un intérêt relativement limité, elle fait office de port d'attache pour visiter les sites se trouvant dans la jungle, à la frontière est de l'état. Dans les rues, on ressent immédiatement une différence avec San Cristóbal : ici, les touristes (a fortiori étrangers) ne sont pas légion, bien qu'ils soient par ailleurs très bien accueillis.
L'attrait majeur de Palenque est sans conteste son site archéologique, cité maya parmi les plus extraordinaires du pays. Érigée sur un village agricole fondé au Ier siècle av. J.-C., la ville – de son nom maya Lakam Ha ("Grandes Eaux") – était la capitale de la région B'akal durant l'Époque Classique (du Ve au VIIIe siècles environ). Les constructions les plus anciennes exhumées à ce jour datent des alentours de l'an 600 ; les archéologues estiment avoir pour l'heure exploré environ 10 % du site dans son ensemble (superficie totale estimée à au moins 25 km2). La cité n'a en effet été redécouverte qu'à la fin du XVIIIe siècle, près de mille ans après son abandon.
Autant dire que le site en impose par sa taille et par le nombre d'édifices qu'il présente : bâtiments administratifs, religieux, habitations, terrain de jeu de balle (les anneaux ont malheureusement disparu)... De nombreux tertres recouverts de végétation laissent deviner les ruines qu'ils renferment, dont certaines feront peut-être l'objet de fouilles dans le futur.
Yaxchilán et Bonampak
Difficiles d'accès car situées au cœur de la jungle, Yaxchilán et Bonampak demeurent à l'heure actuelle très préservés du tourisme de masse. Des excursions d'un ou deux jours, basées sur Palenque, permettent toutefois de les visiter.
Yaxchilán se trouve au bord du fleuve Usumacinta, qui marque la frontière entre le Mexique et le Guatemala, et n'est accessible qu'en lancha, longue barque en bois semi-couverte. Cité maya longtemps rivale de Palenque, elle était connue sous le nom de Pa' Chan durant l'Époque Classique. Également redécouverte tardivement (vers la fin du XIXe siècle) après des siècles d'abandon, elle fait actuellement toujours l'objet de fouilles archéologiques. Son patrimoine culturel tient tout particulièrement à la qualité de ses sculptures (essentiellement des stèles et des bas-reliefs) qui y ont été trouvés. Il s'agit du site archéologique qui m'a fait la plus forte impression, probablement du fait de la très faible fréquentation (nous étions à peine une quinzaine), de son étendue et de l'omniprésence de la végétation. Ah oui, et aussi peut-être suite à la traversée d'une pyramide totalement obscure, où chauves-souris et grosses araignées ont élu domicile.
De taille beaucoup plus modeste, la cité de Bonampak se trouve à une trentaine de kilomètres (à vol d'oiseau) au sud de Yaxchilán, à laquelle elle était assujetie. Sa redécouverte est très récente (1946), et on la doit aux Mayas Lacandon qui vivent dans la région et tombent régulièrement sur des ruines oubliées et enfouies dans la jungle. Bonampak se distingue par la qualité des peintures murales de son acropole, d'un état de conservation unique, qui ont fourni des informations inédites sur la vie à la cour durant l'Époque Classique.
Lacanjá
À quelques kilomètres de Bonampak se trouve un centre écotouristique géré par une petite communauté de Mayas Lacandon. Nous y avons passé une nuit, pour faire une marche dans la jungle le jour suivant.
Les Mayas Lacandon, traditionnellement, sont intégralement vêtus de blanc. Ils vivent, à l'origine, essentiellement des ressources disponibles dans la jungle. Depuis la timide émergence du tourisme dans la région, une partie de leur activité s'est orientée vers la confection d'artisanat et les marches guidées dans la jungle. Le soir, nous étions sept à être hébergés dans le petit village. Nous avons fait la connaissance du chaman de la communauté, qui nous a raconté une légende mettant en scène un paysan qui, pour protéger ses récoltes, a piégé et tué tous les petits d'une tuza (rongeur appelé "géomydé" en français, probablement inconnu sous nos latitudes...) qui, pour se venger, l'enlève et le condamne à rester sous terre pendant plusieurs années. Et en fait, à la fin, le paysan rentre chez lui et découvre que sa femme l'a quitté. [J'avoue ne pas avoir bien compris la morale de l'histoire...] Rencontre un peu déroutante, pour le coup, d'autant plus que ce chaman nous a confié être le dernier à exercer dans la communauté, aucun jeune n'étant intéressé pour prendre sa suite.
Le lendemain, donc, guidés par un membre de la communauté, nous partons à la découverte de la jungle le temps d'une petite marche. La boucle d'environ cinq kilomètres mène à une petite pyramide maya redécouverte par le grand-père de notre guide, il y a environ une cinquantaine d'années. Au cours de la promenade, le guide présente certains arbres particuliers, telle la ceiba, arbre sacré pour les Mayas, au tronc recouvert d'épines. Autre plante, le matapalo, apparenté au ficus, étrangle peu à peu l'arbre sur lequel il s'appuie pour atteindre la lumière, jusqu'à la mort de celui-ci, ce qui laisse place à une surprenante structure creuse. Vers la fin du parcours, une étape baignade est prévue dans une cascade, bienvenue après la moiteur de la jungle.
De retour à Palenque ce soir-là, nous avons ensuite pris un bus pour rentrer dans le centre du pays. Le Chiapas m'aura marqué comme un état fascinant et à plusieurs visages, avec d'un côté la région plus montagneuse et sèche de San Cristóbal de las Casas et de l'autre la jungle et les sites mayas des alentours de Palenque.
Le dernier volet de ce voyage au Mexique portera sur les différents lieux visités dans le centre du pays hors le DF.